Dans nos emplois du temps bien chargés, nous avons toujours
assez peu de créneaux pour naviguer, ce qui nous oblige à sortir quand on a le
temps plutôt que quand les conditions sont favorables. Même s’il est évident
qu’avant de sortir nous vérifions la météo pour ne pas nous mettre en danger.
Mais voilà, cette semaine, Sylvain me propose de faire une
navigation de nuit. La journée de samedi est déjà occupée, nous décidons donc
de partir dans la nuit, après avoir passé la soirée chez des amis. L’objectif est
de naviguer de nuit, puis de mouiller quelques heures à proximité de Sète avant
de revenir.
Soit. Nous arrivons au bateau à minuit et demi, et dormons
un peu avant de préparer le bateau pour larguer les amarres à 4h du matin. Les
potes Fanch et Mica sont de la partie, et Fanch propose généreusement de faire
le départ avec Sylvain.
4h. Les pas sur le pont, puis le moteur qui démarre me
réveillent. J’espère me rendormir vite, car les nuits précédentes ont été
courtes, et j’ai des révisions à faire le dimanche, dès que j’en aurai la
possibilité (je passe un examen dans 2 semaines). Mais je ne cesse d’entendre
la marche arrière rugir, et vois les mâts d’à côté par mon hublot : la
sortie du quai semble difficile et la manœuvre durer une éternité. J’hésite à me lever pour les aider, mais
dehors ça doit bien cailler, alors je mise sur le fait que les hommes vont
finir par y arriver. Le cirque dure un moment, puis je finis par voir danser
les lumières du port dans ma cabine : nous voilà enfin en train de le traverser.
Alors que je me rendors enfin, mon sixième sens hors du
commun m’indique que nous sommes en train de sortir. Ou peut-être est-ce juste
le tangage soudain fort et la panique de ma fille qui m’ont mis la puce à
l’oreille… Maëlyss vient se blottir contre moi sur la couchette, et nous
entendons les drisses courir sur le pont. Sylvain et Fanch doivent être en
train de monter les voiles.
5h. Le moteur est toujours en route. J’imagine que les gars sur le pont galèrent
un peu à trouver les bons réglages et à lancer le bateau. Je verrai plus tard
que sur les voiles ils ont pris le 1er ris et à peine ouvert le
génois (navigation de nuit avec un vent de 15 nœuds en moyenne, toutes les
précautions sont prises, et le port des gilets de sauvetage une évidence). Johann, l'ami d'un ami que je ne connais pas encore mais qui aimablement nous donne plein d'infos utiles, m'a précisé qu'utiliser la trinquette aurait été plus judicieux, car la tenue de cap du bateau est meilleure avec la trinquette qu'avec un génois à moitié déroulé. On peut confirmer que diriger le bateau fut compliqué dans la configuration choisie !
Le tangage reste fort et très désagréable. Bien que serrée
contre moi et blottie sous la couette, Maëlyss est vraiment en stress. On sent
un virement de bord assez brusque : les hommes sur le pont viennent de se
rendre compte de la difficulté d’appréhender les distances dans le noir :
la cardinale nord* était tout près ! La manœuvre est brusque, mais la houle n’y
est sans doute pas étrangère non plus. D'ailleurs, ils n'ont pas réussi à la contourner de la bonne façon, et l'ont passée par le sud... heureusement sans problème (sans commentaires !)
* Cardinale : tour métallique qui indique un danger, et
qu’il faut contourner du bon côté, selon les indications qu’elle donne (par
bandes de couleur en journée, feu clignotant la nuit).
C’est à ce moment-là qu’il faut aiguiller rapidement Maëlyss
pour éviter que … -je cherche une formule poétique…- le contenu de son estomac
ne viennent réchauffer le lit (désolée, il n’y a sans doute aucune façon élégante de parler d’un mal de mer violent…). Je n’entrerai pas dans le détail
de l’heure suivante, par respect pour les lecteurs. Mais nous expérimentons le
bon vrai gros mal de mer dans toute sa splendeur. Il me faudra plus de 10
minutes pour réussir à m’habiller et rejoindre le reste de l’équipage sur le
pont.
Le vent vient encore une fois de la destination que nous
tentons de rejoindre, il faut louvoyer. A cette allure, la durée de navigation
va sérieusement s’allonger.
Si le vent frais m’aide un minimum, il me transit également
de froid. Heureusement que les potes sont là, il m’est impossible d’aider
Sylvain. Devant le piètre état de l’équipage et la pénible navigation, Sylvain
propose généreusement de lâcher l’affaire et de rentrer. On est tous d’accord,
surtout Maëlyss qui entonne un chant pour « fêter ça », et que nous
reprenons avec elle. Le retour sera bien plus rapide.
6h. Nous voilà devant le port, je n’ai pas encore vraiment
repris mes esprits. Mais pour bien finir cette nuit mémorable, c’est le moteur,
capricieux, qui décide de ne pas démarrer, malgré plusieurs tentatives.
Impossible de rentrer à la voile : on vire de bord, il faudra naviguer
devant le port jusqu’à trouver une solution. Sylvain vérifie les batteries et
tout ce qu’il peut, essaie encore. Le moteur finira par redémarrer, à notre
plus grand soulagement. Si cela n’avait pas été le cas, nous aurions contacté
la capitainerie pour demander un remorquage. Mais je ne sais pas s’il y a du
personnel pour cela la nuit, où s’il nous aurait alors fallu tourner en rond en
attendant l’équipe de jour.
Bref, on accoste alors que le jour se lève. Nous ne verrons
que l’aube, nous sommes tous couchés avant que le soleil n’ait pointé son
nez ! Encore un plan contrarié, mais formateur…
en mode "explosée", après une courte et dure nuit...