Attention nouveauté : dorénavant il y aura moins d'explications dans le texte même, mais si vous cliquez sur les mots en gras, vous serez renvoyés vers un petit glossaire qui vous permet de suivre, sans que je me noie dans les détails (je le fais assez naturellement ! ).
Il y a quelques jours, nous avons profité du passage des parents de Sylvain pour nous retenter une sortie sans enfants, au grand désespoir de Maëlyss qui ne veut ni naviguer, ni nous voir partir sans elle...
Un vent un peu fort s'annonce, de secteur nord à nord-ouest, sur les trois jours de navigation prévus, et naviguer à nouveau vers Marseille nous semble plus judicieux que tracer en direction de Perpignan (surtout aussi parce que le vent s'annonçait plus fort dans le golfe du lion que sur la cité phocéenne).
Bref, nous voilà, fatigués et fort peu organisés, arrivant au bateau à 8h30 du matin. Sylvain aimerait partir rapidement, mais je lui casse les pieds pour que nous prenions d'abord le temps de changer l'écoute de l'enrouleur du génois qui est fort abîmée. Sentant que ma mauvaise humeur pourrait bien être à la hauteur du mistral qui nous attend si on part sans cette précaution, il cède, et entreprend de démonter l'enrouleur pour changer rapidement la corde. Enfin, rapidement, c'était l'idée, mais dans la pratique, évidemment, ça a été un peu plus folklorique ! Première étape : trouver sur Internet des infos pour savoir comment faire. On ne trouve rien de franchement explicite, mais finalement, on dévisse ce qu'on voit, et le démontage ne prend qu'un instant. Le vent est déjà bien présent, on ne peut donc pas déployer la voile pour bien caler la corde, que d'ailleurs nous enroulerons en premier lieu à l'envers... Mais bon, on s'en aperçoit tout de suite, et la modification ne prend pas longtemps. En revanche, on l'enroule un peu trop, et elle est trop courte ! C' est étrange, car mon infaillible sens du "à la louche", avec lequel j'avais mesuré l'écoute pour en acheter une nouvelle de la bonne longueur me fait rarement défaut.... Bref, on ajuste la longueur sur l'enrouleur, et finalement, elle va très bien ! (enfin, un mètre de plus n'aurait pas été du luxe, mais je ne vais pas admettre trop fort qu'une vraie mesure de la longueur nécessaire aurait été plus appropriée que mon estimation olé olé...). A la levée des voiles, on verra vite qu'on a fait des "nœuds" avec les autres écoutes sur le pont, et il nous faudra rapidement détacher certaines d'entre elles pour les repasser correctement. Bref, le n'importe quoi avec les cordages, ça nous connait ! (mais je pense que j'ai tord de m'en vanter...)
A presque midi, on arrive enfin à quitter le port, et vu l'heure, arriver à Marseille ne se fera qu'en début de nuit, ce qui m'intéresse assez moyennement. Le vent qui taquine bien aussi m'incite à opter pour un port plus proche, mais j'attendrai le dernier moment pour informer Sylvain. Fos et Martigues ne m'attirant pas le moins du monde, je mets le cap sur Saintes Maries de la Mer, soit tout-à-côté, mais tant pis.
Je me suis shootée au Mercalm et à la menthe poivrée, bien décidée à profiter à fond de ma navigation cette fois-ci, et effectivement, je me régale ! D'autant que le vent venant de la côte, la houle est peu formée, et les vagues sont bien modestes. Les prévisions donnent un vent établi à 20-25 nœuds, et notre anémomètre, toujours pas étalonné, ne nous permet pas d'évaluer précisément le vent réel. On a pris un ris dès le départ, par précaution. Sylvain le lâche rapidement, sans que je m'en aperçoive (le temps d'une pause pipi ? Ce qui veut dire au passage que je ne regarde pas vraiment mes voiles, c'est moche !), car le vent, au début, est sans doute en-deçà des prévisions.
Quand le vent se fait plus présent, on range le génois*, au profit de la trinquette*, heureux qu'un ami nous ait convaincus du bien-fondé de celle-ci, qui permet une navigation plus sécuritaire et plus agréable.
* Le génois est une grande voile à l'avant du bateau, la trinquette est une voile plus petite et moins gonflée, située entre la grand-voile et le génois. Ceux qui n'en sont pas équipés utilisent le génois à moitié enroulé par gros temps, et c'est ce que nous avions commencé à prendre comme habitude, jusqu'à comprendre tout l'intérêt de la trinquette...
On avance à 7 nœuds de moyenne (soit 12.96 km/h, youhou, on est des dingues !), avec quelques pointes à 8 nœuds. C'est essentiellement moi qui tient la barre, aussi enthousiaste qu'une enfant de 3 ans déballant ses cadeaux de Noël, et Sylvain part dormir en cabine. Le vent forcit, mais étrangement je ne suis pas stressée le moins du monde. Je savoure le plaisir de guider ce voilier de 11 m avec une concentration de chaque instant, les rafales étant fréquentes, tout en songeant qu'à un moment ou un autre de notre long voyage, tenir la barre finira par me lasser, mais pour l'heure, l'excitation est entière ! Les rafales augmentent encore en puissance, et le bateau remonte au vent tout seul un peu brusquement à plusieurs reprises. Pas contrariée le moins du monde, je me cramponne à la barre pour redresser le navire, en me disant que je suis au moins aussi têtue que lui.
Les embardées du bateau n'ont pas échappées à Sylvain, qui me rejoint pour prendre deux ris. On avance un peu moins vite, mais tout de même plus en sécurité, et nous voilà déjà proches de Port Gardian. Sylvain sait que je ne changerai pas de route, et accepte de bonne grâce l'arrêt choisi. C'est la première fois que nous allons amarrer dans un autre port que le notre, et l'appréhension se fait légèrement sentir quand la capitainerie me confirme qu'on va amarrer sur pendille, la dernière manœuvre du genre, avec Johann et Valentin, ayant été un brin compliquée (voir l'article ICI). Il y a heureusement plusieurs autres marins sur le quai, qui viennent immédiatement nous aider. L'un nous lance une amarre depuis son bateau, sur lequel on va pivoter, pendant que les autres nous tirent vers le quai, luttant contre le vent qui nous ramènerait volontiers au large. On s'en sort bien, on ne prend pas de corde dans l'hélice ! Mais on est amarrés au quai par l'avant du bateau. "Ça va être sportif, pour descendre", observe justement l'un des marins, avant de rajouter "mais si vous êtes sortis par ce temps c'est que vous aimez les défis...". Je réalise qu'effectivement, c'est un temps à rester au port pour la plupart des croisiéristes, et je tire une grande fierté d'avoir fait cette navigation en mode "même pas peur" !
On discute un peu avec nos voisins de ponton, le monde de la mer est chaleureux, puis on profite de l'après-midi pour se balader sur la plage et visiter la ville.
Les typiques constructions camarguaise, et la croix régionale, symbole de Foi (la croix), Amour (le cœur), Espérance (l'ancre).
Ca souffle !
Le soir venu, on réfléchit à la suite de notre navigation. Il faut impérativement rentrer tôt le vendredi, car de la famille vient passer le week-end chez nous. Les calanques de Cassis dont on rêve depuis des mois sont donc à nouveau hors de portée, sauf si on navigue de nuit, mais étant tous les deux déjà fatigués, nous renonçons, d'autant que le mistral se maintien en bonne forme et que la navigation nécessitera une attention soutenue. On se dit qu'on peut rentrer sur Sète, se mettre au mouillage, avant de revenir sur Port Camargue le lendemain, ce qui fera deux nav' très raisonnables pour les jours suivants, mais les prévisions météo annoncent que le vent faiblira peu la nuit. Ce qui pour le coup, sera assez anxiogène pour moi.
Le lendemain, on réévalue nos options, frustrés de n'avoir pas plus de possibilités de navigation, et de devoir, peut-être, raccourcir encore une fois le programme.
Il est un peu étonnant de constater qu'il y a un couloir de vent à 25 nœuds des Saintes Maries à Marseille, un autre, de force égale, de Port Camargue à Agde, et qu'entre les deux, c'est plus calme. Mais le jeudi matin, les conditions météo ne s'étant pas améliorées, nous renonçons, et optons, à contre-cœur, pour un retour à la maison (et une reprise anticipée du boulot, beurk !). On quitte le port à midi passé, sous le regard blasé des jeunes marins d'en face qui eux aussi voudraient bien partir, mais dont le moteur à faible puissance ne leur permet pas de faire face à un tel vent. Le lendemain, on réévalue nos options, frustrés de n'avoir pas plus de possibilités de navigation, et de devoir, peut-être, raccourcir encore une fois le programme.
Pour le retour, nous avons le vent presque de face, ce qui nous ralentit considérablement. Proche des côtes, il nous faut prendre un cap qui s'en éloigne pour bien profiter du vent, et dès que l'on s'éloigne, le vent tombe ! Il nous faut parfois nous rapprocher des côtes au moteur... Impossible, malgré toutes nos tentatives, de trouver un cap correct, du coup, ben, on fait ce qu'on peut ! Mais si l'aller n'avait pris que 4h, le retour en prendra 7, et on finira les derniers milles au moteur, fatigués de lutter contre un vent capricieux, tantôt faible, tantôt vigoureux (selon notre distance de la terre, en fait...).
Le petit plaisir du retour, c'est quand même l'appel reçu du bateau école : j'ai validé l'extension hauturière du permis mer ! Je suis heureuse d'en avoir fini avec tous ces apprentissages, mais me promets de les travailler régulièrement pour ne rien oublier. Un regret malgré tout : je n'ai pas appris l'utilisation du sextant, qui n'est pas au programme, et espère combler cette lacune avant le départ. Non que ce soit hautement important, mais disons que si nous tombions en rade de GPS + tablette + ordi, ou tout simplement d'énergie, le tout étant peu probable, le sextant pourrait s'avérer sensiblement utile pour trouver notre position, même si j'aurais une nette tendance à me fier de toutes façons à la route que j'aurais pris soin de tracer sur carte et d'actualiser régulièrement...
On prend de plus en plus de plaisir à naviguer, c'est chouette, et nos compétences s'étoffent doucement mais sûrement. Le coup du bateau qui part au lof, Sylvain l'a sans doute vu dans ses cours, et peut-être même que j'en ai entendu parlé une fois ou une autre, ou lu, mais sans retenir ce cas de figure. Au moins, de l'avoir vécu, il s'inscrira plus durablement dans ma mémoire, pour que la prochaine fois je sois plus compétente sur ce cas de figure. On retient toujours plus de ses erreurs, et comme finalement on en accumule pas mal (sans refaire deux fois les mêmes, ouf !) je me dis qu'on progresse bien !
Cela dit, la saison estivale arrivant, nous n'allons plus avoir d'opportunités de sortir, accaparés par un boulot extrêmement chronophage, alors nos prochaines expériences seront sans doute issues de notre grand voyage, et il faudra faire avec !