vendredi 17 novembre 2017

La tempête

Depuis le début de cette aventure, nous nous préparons à l'idée que peut-être, au cours de notre périple, et malgré toutes les précautions que nous prendrons, nous aurons à faire face à des météos très défavorables. Mais finalement, c'est ici, sur la terre ferme, que nous venons d'essuyer une terrible tempête. Et la météo n'y était pour rien.


Profitant des vacances scolaires, nous prenons le temps d'amener Killian pour une simple échographie, car depuis quelques temps il avait une bosse sur la tête. Il s'était cogné fortement, et cela avait conduit à l'émergence d'un bel "oeuf", bien bleu, avec la marque du meuble imprimé sur la peau. Mais, les semaines passant, la bosse ne disparaissait pas, et notre médecin généraliste pensait qu'il pouvait s'agir d'une calcification de l'hématome, ce qui arrive parfois, et elle nous envoyait donc faire une écho.

Toutefois, le médecin radiologue nous dit qu'il ne peut rien distinguer à l'échographie, mais sans doute quelque chose lui a mis la puce à l'oreille, car il nous garde pour nous faire dans la foulée un scanner, puis un IRM. La journée devient passablement anxiogène... Quand, au bout d'une interminable attente, il nous appelle pour faire le compte-rendu de l'IRM, il a la décence de ne pas me montrer les images, et de nous dire, aussi doucement que possible, que Killian a une tumeur de 8 cm sous cette fameuse bosse. Il a préalablement contacté un neurochirurgien pédiatrique, et m'informe qu'il serait sans doute bien que j'aille à l'hôpital pour avoir un avis plus éclairé. Direction donc les urgences de l'hôpital montpelliérain spécialisé en neurologie et neurochirurgie, dans un état second, où il me semble que quelqu'un conduit le véhicule à ma place. Ayant exercé 10 ans comme infirmière, je ne peux m'empêcher d'imaginer tout ce que cela peut impliquer, et je projette le pire, alors que mon cerveau semble tourbillonner sans aucun contrôle, et que je sens mon corps tomber dans un gouffre dont je ne perçois pas le fond. L'angoisse me pique et me serre tout au long de cette chute. Killian ne pose pas de question, il a compris qu'il a une grosse boule dans la tête, et qu'elle n'a rien à faire là.

Me voilà aux urgences, et j'ouvre le compte-rendu de l'IRM. Les images me sautent à la figure, toutes griffes dehors, et pendant un instant je ne parviens plus à respirer. La tâche blanche de la tumeur est énorme, prend les 2/3 de la place que devrait occuper son cerveau gauche, descend quasiment jusqu'au nerf optique. Elle appuie aussi sur le cerveau droit, qu'elle fait dévier. Et je referme vite ce document, qui vient de me déchirer le cœur, provoquant une brûlure que je ressentirai plusieurs jours.

Une neuro-pédiatre me reçoit, et effectivement elle était au courant de ma venue et du contenu de mon dossier. Elle essaie de me rassurer : oui, la tumeur est énorme, oui, il faut prévoir assez rapidement de l'enlever, mais Killian n'a étonnamment aucun symptôme, ce qui traduit une évolution lente. Les images sont par ailleurs en faveur d'un méningiome, elle m'explique que c'est une tumeur bénigne, mais bien sûr, il est difficile de s'avancer, il faudra faire analyser la tumeur pour savoir ce qu'il en est. Elle nous renvoie à la maison, après avoir fait un bilan pré-opératoire et une consultation d'anesthésie, et nous dit qu'on sera très vite convoqués pour un rendez-vous avec le chirurgien qui opèrera Killian.

Les jours qui suivent sont un enfer. Il faut vivre aussi normalement que possible pour ne pas mettre sur les épaules des enfants une angoisse qu'ils n'ont pas à vivre, mais chaque instant où je suis seule, je défaille, et pleure toutes les larmes de mon corps, toujours obnubilée par tout ce que la nature et la médecine réunies peuvent produire de pire. C'est mon petit côté névrosé, sans doute... On prévient tant bien que mal les familles et quelques amis proches, le téléphone arabe fera le reste. 
Je relis le compte rendu : la tumeur fait 88 mm x 65 mm x 60 mm. C'est très exactement la taille d'un avocat standard. Je le sais, parce que j'ai mesuré. Et ma copine No me téléphone, et m'aide à déchiffrer le compte-rendu par ses connaissances médicales. Son appel me sera d'un secours inestimable, elle me rappelle que tumeur ne veut pas dire cancer. C'est déjà beaucoup !

Trois jours plus tard, nous rencontrons le chirurgien. Il nous explique bien la nature de la lésion, les détails de l'intervention, et n'oublie pas les risques liés à cette opération. Parce qu'il croit que c'est important qu'on soit tous au clair avec ça, y compris Killian. L'opération est prévue 6 jours plus tard, mais il nous dit qu'on a tout à fait le droit de rencontrer d'autres chirurgiens si nous voulons d'autres avis. Non, sincèrement, on veut que cette masse soit enlevée, vite, très vite, de la tête de notre enfant. Son lourd discours médical (toujours trop froid et pesant, mais peut-il en être autrement dans ces cas-là ?) est adoucit par la chaleur de son regard, le souci qu'il a à se faire bien comprendre, et il se veut rassurant sur le probable caractère bénin de la tumeur, même s'il ne peut pas nous en assurer tant qu'elle n'aura pas été analysée. Chose plutôt rare, il m'inspire tout de suite confiance. Mais je crois distinguer sur l'IRM des zones floues, que j'interprète comme une infiltration de la tumeur dans des tissus cérébraux, et ça me turlupine, même si le chirurgien n'en parle pas. J'essaie de me contenir : je n'ai jamais appris à lire des images radiologiques, alors je dois me tromper.

Les jours suivants, le temps s'écoule plus lentement que jamais, et nous puisons au fond de nous-même l'énergie de jouer, rire et sortir avec nos enfants, parce que c'est important de ne pas les noyer dans une pesante ambiance d'angoisse et de tristesse. On va au cinéma et au mini-golf. Les nuits sont courtes, le sommeil étant trop difficile à trouver.

Trois jours plus tard, au milieu de la nuit, Killian nous prévient d'une douleur au crâne, plus importante que jamais. Je prends sur moi, je sais que c'est la tumeur. Mais quand en fin de nuit il vomit, je sais que c'est le premier signal d'un engagement cérébral, et je ne peux m'empêcher de foncer aux urgences. Tout ce qu'il me reste de mes souvenirs d'étudiante infirmière, c'est que l'engagement du tronc cérébral conduit au décès. Le médecin perçoit sans doute mon désespoir, et nous garde à l'hôpital, même s'il ne peut pas faire grand-chose avant l'opération, et qu'il est inutile de la faire en urgence. Ces 2 jours d'avance à l'hôpital, Killian les passe super bien, il est en forme, n'a que peu de douleurs et aucune gêne.

Dans ce petit service, on rencontre des enfants que la vie à percuté de plein fouet (littéralement), et d'autres qui sont nés avec de mauvaises cartes, et que cette fichue maldonne poursuivra longtemps. On croise des parents, dont le cœur a aussi volé en éclat, mais qui affichent toujours un sourire, qui ont toujours un mot pour les autres. On compatit les uns pour les autres, parce qu'on comprend qu'on a en commun une douleur oppressante. Et on relativise : d'autres histoires sont tellement difficiles que finalement on s'en sort pas si mal. 

Le jour de l'opération, je ne suis que l'ombre de moi-même, et Sylvain doit me tirer pour sortir de l'hôpital prendre l'air, car on sait que ce sera long.  Mais dès la fin de l'intervention, le chirurgien monte dans le service, nous dire tout ce qui s'est passé, et nous dire qu'il a tout enlevé. La tumeur était effectivement infiltrante, il a dû couper une veine, enlever une partie des méninges et des  petites zones de l'encéphale. J'ai l'impression d'être en apnée. Il nous rappelle les troubles transitoires qui risquent de survenir dans les jours qui viennent. On descend peu de temps après en salle de réveil, et là encore, le chirurgien est là, pour tester immédiatement les réponses de Killian. On ne perçoit aucun déficit ! Quelle joie ! Tous ses membres bougent bien, et il répond très bien. Enfin, je reprend ma respiration. 




Toutefois, le lendemain, sa main et son bras droit sont quasi-inertes, et le resteront plusieurs jours. Par ailleurs, son élocution est devenue très difficile et il perd ses mots. Le post-op est également un peu compliqué : les médicaments contre la douleur lui donnent beaucoup de nausées et de vertiges. Les 2 premiers jours, il gémit beaucoup, mais finalement n'en garde aucun souvenir. Pour nous, c'est dur. Le médecin nous rappelle que Killian ne présentait pas de déficit en post-op immédiat, et que donc ces déficits seront transitoires, même si la rééducation risque d'être assez longue. Deux crises d'épilepsie partielle viendront aussi ajouter un peu de piment à ce post-op que nous aurions voulu plus simple. 

 Six jours après, sa main rebouge enfin ! Le bras avait déjà commencé à répondre plus ou moins, et voilà que la main droite reprend du service. Son élocution s'est aussi pas mal améliorée au fil des jours. Le chirurgien, toujours extrêmement présent, est venu m’annoncer le résultat du prélèvement tumoral dès qu'il l'a reçu : la tumeur est bien un méningiome ! Le poids qui me comprimait la poitrine depuis 17 jours vient de se volatiliser... J'ai trop de retenue pour lui sauter au cou, mais j'en ai bien envie. Les déficits de Killian réduisent finalement plutôt vite. Il fait preuve de patience, et de persévérance. Il est vraiment courageux. Aujourd'hui, on sait qu'il est tiré d'affaire, et j'ai une pensée pour les parents rencontrés dans le service, et certains enfants dont le pronostic est moins réjouissant.


Cette douloureuse parenthèse dans nos vies un peu trépidantes nous marquera forcément.  Elle augmentera la saveur des moments heureux passés en famille. Notre voyage en voilier sera encore plus important, et nous le vivrons pleinement.

On ne peut rien contre les épreuves de la vie, et il est totalement inutile de devenir rageux. Quelle que soit notre attitude, elle ne peut en rien changer l'arrivée des évènements douloureux, mais je crois que se concentrer sur les petits riens positifs au milieu de la tempête permet de faire un pas, puis un autre, vers la sortie. 
On s'estime chanceux que dans cette épreuve, nous ayons rencontré un chirurgien aussi humain et généreux que médicalement compétent, que la totalité du personnel de ce service soit agréable, et respectueux du rythme de l'enfant et de sa famille, que nous ayons reçu tant de marques d'affection, d'encouragements et de soutien physique et logistique de la part de nos familles, amis, et simples connaissances. On est évidemment chanceux que cette tumeur soit bénigne, et qu'on ait écarté le spectre de l'oncologie. On a la chance que même notre médecin traitant se soit investie dans ces moments difficiles, en m'aidant sur les démarches administratives et en venant visiter Killian à l'hôpital. Et surtout, on a de la chance que cette tumeur qui a évolué très lentement, peut-être depuis plusieurs années, se soit manifestée maintenant, et pas dans quelques mois quand nous seront à bord d'un voilier, loin de chez nous.
La rééducation de Killian prendra certainement du temps, et c'est pour l'instant la priorité. Puis nous reprendrons nos navigations avec joie et un peu plus conscience de la nécessité de vivre chaque instant pleinement !

lundi 30 octobre 2017

La sortie "bof"

S'il est des navigations moins agréables que d'autres, celle de ce lundi fait sans nul doute partie du lot des "moins".
Au bateau depuis la veille, le réveil est bien difficile pour moi, car des vertiges intenses et persistants me tiennent compagnie depuis plusieurs jours. Alors, j'en vois venir certains, mais non, rien de ce que vous imaginez. Je viens seulement de comprendre pourquoi, quand on a un traitement permanent pour la tension artérielle, c'est un peu bête de le suspendre pendant des semaines... Bref, je passe du lit au canapé, lamentablement, quand survient un problème : la caisse d'eaux noires déborde ! Pas le choix, faut aller en mer la vider. La météo donne du 15-20 noeuds pour le matin, augmentant l'après-midi... En plus c'est un vent du nord : le bien froid qui nous gêne pour manoeuvrer au port. Génial.

Branle-bas de combat ! On se dépêche de sortir avant que le vent ne soit trop fort, mais dans mon état, je ne sers pas à grand-chose, et Sylvain doit se débrouiller plus ou moins tout seul.

Entre mes vertiges qui ne passent pas et une bonne houle, j'ai l'impression de tourbillonner sans fin, et me cramponnne, en boule, sur le pont. Malgré la gîte (le tanguage si peu plaisant du bateau), Maëlyss bouquine tranquille dans sa cabine. Killian est serein, en tout cas en apparence, et Sylvain s'en sort pas si mal : ayant déployé partiellement les voiles, avec un vent dans le bon sens, on navigue à 6 noeuds, et une gîte très modérée. (Mais ça, c'était juste pour le départ, ah ah ah ! )



Un peu stressés tout de même, on n'atteindra pas les 6 miles règlementaires (11km des côtes) pour vider (oups!). On entame rapidement un retour, qui s'avère vite un peu cahotique. On a le vent de face, il faudra louvoyer (zigzaguer face au vent, et donc virer souvent de bord). Le vent est motivé, il nous pousse à 25 noeuds. Et en naviguant vers le vent, la gîte s'intensifie. Les embruns nous "saucent", et le bateau vire de bord tout seul (c'est à ce moment-là qu'on se dit qu'on gère comme des blaireaux...).

Je me cale à la barre, les vertiges me laissant enfin tranquille (chassés par la montée d'adrénaline, sans doute...) car le pilote automatique a du mal. Je n'y arrive pas vraiment mieux que cette belle technologie, mais au moins ça m'aide à me focaliser sur une seule chose : le point visuel qui nous ramène au port (plutôt que sur l'eau qui affleure le pont...).
On galère : au près, le nez du bateau monte et descend beaucoup (il y a un terme pour ça, mais j'ai oublié) et on avance lentement, ce qui rend la tenue du bateau difficile ; au largue, le bateau penche sacrément, et on s'éloigne de notre cap. On fait ce qu'on peut entre ces deux allures. Nous prenons tant bien que mal un deuxième ris, pour réduire encore notre grand voile, et notre mal en patience. J'ai mal aux bras et aux doigts, crispée comme tout sur cette nav' qui prend une drôle de tournure, mais ne quitte pas des yeux mon objectif. On s'en approche lentement, à 2-3 noeuds. Mais je vois des dizaines de kitesurfeurs, qui s'éclatent devant l'entrée du port ! (C'est là que mon bon sens aurait dû tiquer, mais non, il était sans doute parti sur le dos d'une rafale de vent...) Ca m'agace, ils n'ont rien à faire là ! Killian me demande pourquoi l'eau change de couleur, je lui réponds que c'est parce que c'est moins profond. (Là aussi, j'aurais dû me rendre compte qu'un truc clochait.) Ce n'est que quelques instants plus tard, en ne reconnaissant pas l'entrée du port et en voyant la cardinale droit devant alors qu'on devrait l'avoir bien à tribord qu'on se rend compte qu'on n'a pas pris le bon repère pour rentrer ! 

Les kitesurfeurs sont donc bien sur leur spot, meublé d'un large banc de sable sur lequel nous aurions pu nous échouer lamentablement, et je me sens un peu con de m'être plantée (pour ma défense, j'avais retenu qu'il fallait suivre le chateau d'eau, mais jamais percuté qu'il fallait suivre celui de gauche, puisqu'il y en a 2 d'assez proches, surtout quand on vient du large de l'Espiguette...).

Nous finissons par rentrer à bon port, après 3h très ...heu... formatives ? On se dit que pour les quelques cours à venir, ce serait une bonne idée de chercher à sortir par bon vent, histoire de bien acquérir les bons gestes. 

Après une manoeuvre de Sylvain impeccable et un amarrage du premier coup qui m'épate (chance ou coup de main de maître ? 😂) , je me plonge sous une couverture, avec le cours des Glénans, pour essayer de comprendre ce qu'on aurait dû faire différemment. Bon, faudra que je relise avec un peu plus de caféine dans le sang, parce que là, ça me laisse un peu dubitative...


Pendant ce temps, Sylvain et les enfants font un saut à la capitainerie, où ils apprendront que tout l'année, on dispose d'un service gratuit de vidange des caisses noires ! Sur simple appel, un bateau vient devant le notre et aspire le contenu nauséabond... On savait que le service existait, mais on pensait qu'il n'était effectif que l'été. Qui plus est, et je l'apprendrai plus tard, chaque port est équipé d'une station de vidange des eaux noires, qu'il convient d'utiliser autant que possible, c'est quand même mieux que de vider en mer. Voilà voilà...

Et histoire de bien finir la journée, un peu de matériel est malencontreusement tombé au fond de l'eau, et la pompe à eau est morte. De quoi nous occuper les jours suivants ! 

vendredi 27 octobre 2017

Des projets compromis

Pour ces vacances de la Toussaint, nous avions initialement prévu une longue navigation.
Mais ayant des petits travaux, quelques rendez-vous sur la période, et une expérience bien mince, nous projettons plutôt de courtes excursions. 

La famille de Sylvain nous rejoint pour le début des vacances, et nous sortons à plusieurs reprises par temps calme. L'occasion de nous rendre compte que l'on ne maîtrise pas encore les priorités et règles de navigation en mer... oups! Le soir-même, je plonge sur le net et dans le Glénans me mettre au clair. 
Nous  prenons aussi le temps de calibrer correctement nos instruments de mesure, et d'acheter un GPS. 





Lorsque la météo annonce une journée à 15-20 noeuds, Sylvain saute sur l'occasion : "on sort pour tester !". J'aurais eu une nette préférence pour un après-midi film-cappucino, bien calée au fond de mon canapé, mais je dois bien admettre qu'il n'a pas tord. D'autant que son frère est là, ça fait toujours 2 bras de plus en cas de... On prévoit une sortie sur Marseille et le vent annoncé lors de ce petit trip est de 20 noeuds, alors oui, autant voir avant d'y être en lieu inconnu ce que ça donne. J'embarque donc à contre-coeur, et mon appréhension monte encore d'un cran quand je constate que ce vent nous poussera droit sur les hélices d'en face lors des manoeuvres au port. J'essaie d'éviter de penser que ce n'est que 3 jours plus tard qu'est prévue notre troisième sortie avec Marc, le vendeur, pour justement travailler les manoeuvres sur notre place de quai...
Mais Sylvain gère bien ! Il est prudent, pas pressé, et convaincu qu'il faut se lancer pour y arriver. On sort donc sans encombre, et nous voilà en mer, sous un beau soleil. On prend nos premiers ris (raccourcissement de la grand-voile, pour limiter sa prise au vent et donc ralentir l'allure), et ça roule. Même les enfants, auxquels nous avons imposé les gilets de sauvetage, restent relativement sereins. Ils sont au clair sur les attitudes à avoir en cas d'homme -ou d'enfant- à la mer. On les implique aussi sur la nav' : tenir la barre et suivre un cap, repérage des cardinales (signalisations de danger), surveillance des autres bateaux... 
Après quelques rafales à 25 noeuds, le retour au quai sera un peu long et légèrement tendu, mais Sylvain rentre le bateau sans aucun dommage, et affine sa prise en main du bateau. J'ai pour ma part arrêté de donner des conseils de stressée, puisque de toutes façons je ne sais pas faire...  😂

(Voiles partiellement déployées, pour réduire leur prise au vent. On fait quand même du 10 noeuds -18/19 km/h)

Nous sortons également pour la troisième fois avec Marc, sur une mer calme au possible. On finira d'ailleurs par rentrer au moteur ! Mais il prend le temps de nous montrer comment utiliser le tangon (barre permettant la tenue de la voile avant -le génois- en navigation par vent arrière), de nous expliquer l'intérêt de faire un nœud court quand on attache la grand voile (on a eu chaud!) et nous prenons un moment pour faire et refaire des manœuvres au port. Guidée, je réussi donc l'entrée et la sortie de notre place, en domptant tant bien que mal ma trouille intense d'abîmer l'Heimoana d'une façon ou d'une autre.
Encore une fois : 1000 mercis, Marc, pour ton aide précieuse ! 

(Ma première sortie du port aux commandes)

Je suis fière de moi, et lorsque Sylvain propose de ressortir le soir-même pour admirer le coucher de soleil depuis la mer, je suis super partante ! Maëlyss est également ravie, car c'est ce qu'elle nous demande depuis un bon moment déjà, mais elle insiste pour qu'on rappelle Marc, parce que "je me sens plus en sécurité quand il est là, et qu'il va faire tout noir". On lui explique : "Oui, mais bon, Marc ne fera pas les 8 mois de nav' en Méditerranée avec nous, il nous faut bien apprendre..." C'est moi qui pilote, en tout cas tant qu'il fait jour! Maëlyss se détend, et nous profitons tous d'un magnifique coucher de soleil. 
Sylvain exécute une parfaite mise à la cape (arrêt de la pression du vent sur les voiles, sans jeter l'ancre ; le bateau n'avance donc plus mais dérive lentement au gré des courants marins), et même le redémarrage se fait dans les règles de l'art. Enfin, j'imagine, tellement de choses sont nouvelles pour moi qu'il m'est sans doute difficile d'en apprécier la justesse...

Mise à la cape : les voiles restent déployées, mais sans prise au vent, et le safran est dans le sens opposé.





La courte excursion que nous envisagions sur Marseille, pour aller voir ma famille tombe à l'eau. Coincés par différentes contraintes, la seule possibilité pour nous de sortir se verra contrariée par un vent un peu trop fort pour les débutants que nous sommes (30-40 noeuds annoncés, soit 55-75km/h de vent). Ce sera donc partie remise, mais nous restons au bateau, pour continuer l'entretien et l'équipement de celui-ci.

mercredi 18 octobre 2017

En nav' pour de vrai !

Cette semaine nous avons eu l'occasion de sortir avec le vendeur du bateau, pour nous familiariser un peu plus avec celui-ci. Il est super, Marc, parce qu'il a vraiment pris du temps pour cela (Agence Cap Océan de Port Camargue, on recommande sans réserve !). Là ou d'autres personnes auraient expédié vite fait 3 sorties de 2-3h, lui nous a accompagné durant déjà 2 journées, et une troisième sortie est prévue. Il nous guide particulièrement sur les entrées et sorties périlleuses de notre place au port, mais nous donne aussi les clés pour le bon réglage des voiles, et nous apprenons quelques trucs utiles pour la navigation.

Si sur la première sortie le vent a oublié d'être au rendez-vous, pour la deuxième, il est enfin de la partie. On prend le large, et allons au-delà des 6 miles des côtes (11 km). On ne les distingue d'ailleurs plus, ou à peine, à l'horizon. Je savoure le calme, le silence, le soleil et le bercement du bateau, qui ondule au gré des vagues. Il ondule un peu fort, tout de même, quand on navigue à plus de 6 nœuds, et le mal de mer vient calmer mon enthousiasme un petit moment... Mais ne gâche en rien mon plaisir ! Quand je pense qu'à la première évocation de l'achat d'un bateau, mon mari s'était prit un sec "même pas en rêves !" dans les dents, je me dis que j'ai parcouru un sacré chemin !
Sylvain profite lui aussi à fond de la sortie. Le temps s'arrête, et ça n'a pas de prix.


On a fait une courte vidéo, pour montrer aux enfants comment le bateau va pencher pendant nos navigations. Maëlyss est sereine : "bah, ça va !". Moui, on en reparlera !


La journée passe bien trop vite, il est déjà temps de revenir à terre. Je fais ma première rentrée au port, et le bateau, un brin capricieux, ne se laisse pas trop faire pour rentrer dans sa place. Marc récupère les commandes et sauve les meubles. Moi je déprime un peu en me disant que mince, c'est pas demain la veille que je pourrai sortir seule, et pourtant, c'est mon objectif pour l'été prochain, quand Sylvain sera trop occupé au boulot et que moi j'aurai besoin d'air pendant mes rares journées de repos.
Mais je compte bien l'atteindre malgré tout, cet objectif. On prendra des cours supplémentaires de manœuvre si besoin, jusqu'à ce qu'on arrête d'avoir 20 de tension et de mauvais réflexes chaque fois qu'il faut amarrer à notre place.

Puisqu'il faut naviguer pour apprendre, nous avions décidé de partir 2 semaines en bateau, pendant les vacances de la Toussaint. Du moins, ça c'était au moment de l'achat. Mais les quelques sorties effectuées nous incitent maintenant à rester modestes : on partira juste vers Marseille-Cassis, si le vent est parfait, et on profitera de quelques jours de vacances pour continuer d'équiper le bateau (un GPS, pour y aller à Marseille, ce serait quand même une sacré bonne idée, hein, parce que le tracé sur carte, là comme ça, j'ai moins confiance...).

Les belles sensations de cette sortie jouent les prolongations : un mal de terre un peu coriace me tient compagnie toute la soirée. Je suis décidément très sensible, mais compte bien m'habituer rapidement.

Reste qu'on se dit qu'on a de la chance d'être tombés sur quelqu'un d'aussi passionné et patient que Marc, car grâce à lui nos premiers "pas" sur l'eau sont  vraiment agréables et notre projet prend toute son envergure. 

dimanche 8 octobre 2017

Mise en route et première sortie

Après avoir enfin récupéré les clés de notre bateau, nous voilà dedans, à faire le tour de ses installations, pour en prendre pleinement possession. Nos premiers travaux : changer les flexibles de gaz, périmés depuis 2 ans, et installer une cuve d'eaux noires, obligatoire en hauturier. Pour les non-initiés, cela veut dire installer un bac pour récupérer les évacuations du WC, qui jusqu'à présent se font directement dans la mer. Il est donc interdit d'utiliser les WC quand on est au port (pour des raisons d'hygiène évidentes), mais si on doit passer la nuit au bateau au port, faire sortir les enfants pour un pipi au milieu de la nuit, ben ça ne nous botte pas vraiment... Enfin, la notion "hauturier" évoque toute navigation à plus de 11km des côtes, ce que nous serons amenés à faire durant notre périple à venir.

Sylvain a bossé à cette installation une journée entière, du coup, on a fait notre premier repas sur le bateau. Des frites, pour fêter notre joie d'être enfin propriétaires d'un voilier ! Et aussi pour tester le four. Nous comprenons vite que le four est hors d'usage ("Sylvain, tu crois que c'est normal une flamme de 30 cm au fond du four ?"). Et au courant que les frites à la poêle, c'est loin d'être transcendant. On s'apercevra, la fois suivante, qu'il suffisait de ré-emboiter le brûleur... No comment !

Au cours des travaux dans la très exigüe salle de bain, on se rend aussi compte qu'on ne sait pas comment vider l'eau qui stagne dans la pièce (en l'occurrence issue du nettoyage, mais si on prend la douche, c'est le même résultat). Interrupteur de vidange dysfonctionnel ? Ou vanne fermée qu'on n'a pas encore trouvé ? Hum... Il faut se dépêcher de trouver, car on doit passer le week-end sur le bateau avec nos enfants et des potes pour une première sortie. Première sortie qui s'annonce d'ailleurs un brin stressante : le vent s'est levé, et pas qu'un peu, et on n'a pas encore pu faire la prise en main prévue avec le vendeur. On n'est pas non plus encore de grands marins. Pas marins du tout, en fait. Sylvain a bien quelques cours à son actif, mais moi, j'apprends le vocabulaire et les notions de base dans des bouquins (l'excellent Cours des Glénans ; mais aussi le catalogue de matériel du magasin du coin...).

You tube est notre nouveau meilleur ami, et là encore on y trouve pas mal de ressources : comment utiliser un radeau de survie, comment se repérer sur une carte quand on est perdus, lancer un appel de détresse... Non, on n'est pas défaitistes, mais on se dit que ce n'est pas au moment où on a besoin de ce genre de techniques qu'il faut se demander comment on fait.

Bref, le week-end est déjà là, nous voilà sur le bateau avec 2 amis, et nos zouzous. Le vent annoncé est bien là, et la première nuit au bateau un peu mouvementée. L'occasion de tester les plans anti-mal de mer, glanés à droite et à gauche :
- Sea Band (bracelets d'acupression)
- Huile essentielle de menthe poivrée
- les prévenir en mangeant, buvant suffisamment et sans accumuler de fatigue.
Mais 5 des 6 passagers de l'Heimoana auront droit à ces délicieuses nausées qui font tellement apprécier le retour sur la terre ferme.

La première sortie du port restera mémorable. Notre place à quai est vraiment étroite (on ne peut pas éviter de "racler" contre les poteaux qui nous permettent d'amarrer l'avant du bateau - si on est amarré cul au quai-) et les bateaux d'en face sont vraiment tout près. Après 10 bonnes minutes de galère, de stress et de "ça, faut pas faire", qui ont largement contribué à une soudaine envie d'intense communion avec Dieu par la prière, nous finissons par quitter notre quai. Quelques petites frayeurs plus tard, hors du port, nous pouvons enfin hisser les voiles.

Le vent est moyen, et la houle n'est pas en reste. La petite louloute se met à paniquer ("le bateau peeeeenche !"), et il est un peu difficile de lui faire comprendre que, oui, un voilier, ça penche tout le temps, et c'est normal. Que ça bouge beaucoup aussi, et que ça encore, c'est normal.
On s'affine sur les techniques : choquer/ border les voiles, virer de bord, suivre un cap en évitant les nombreuses bouées qui se trouvent dans les environs de Port Camargue ; le tout en essayant au maximum d'utiliser le vocabulaire approprié, qui est tout aussi important que les techniques dès lors qu'on a besoin d'aide : quelques cours supplémentaires que je suivrai avec Sylvain, et tout ce qui sera suivi, réparation et conseils sur nos équipements.

Si le plan initial était de passer une nuit au mouillage, encore sous le coup de l'émotion intense de notre sortie de port, nous préférons rentrer. D'ailleurs, pour ma part, de toute notre sortie en mer je n'ai cessé de penser au retour, et mes cogitations étaient fort peu optimistes. Néanmoins, c'est notre pote Fanch qui décide de manœuvrer le bateau pour accoster. Mon niveau de stress monte encore, car je ne sais pas vraiment quelles sont ses compétences en la matière. Mais je dois dire qu'il a géré comme un pro, on est rentrés niquel, en quelques minutes et du premier coup.

Le lendemain, le vent est tombé, mais on tente quand même une sortie, ne serait-ce que pour s'entrainer aux manœuvres. On se déplace plus au moteur qu'à la voile, malgré nos différentes tentatives. Mais quand y'a pas de vent, y'a pas de vent. On tente un mouillage, pour manger, mais la houle, elle, a oublié de se calmer. On remonte vite l'ancre à la main (tiens, une motorisation pour l'ancre, ce serait pas bête, hein ?!), et on rentre.

Le départ et le retour à quai étaient cette fois-ci un peu plus sereins, et mieux réalisés. Enfin, presque. Il nous faudra encore un bon nombre de manœuvres avant d'être à l'aise.

Le week-end est déjà fini. Angéline se réjouit de n'avoir passé que 2 jours avec nous, parce que c'est bien assez. Mais elle en a bien profité quand même. On devrait dans la foulée faire 2 ou 3 prises en main sur notre bateau avec le vendeur, et quelques cours supplémentaires, mais on a hâte de ressortir !
Repas au port (parce que c'est bien aussi quand ça ne tangue pas trop) 

Test de l'annexe dans le port.
 
Fanch a la barre

Maëlyss enfin détendue - ou presque-

Killian, fier, à la barre.


mardi 26 septembre 2017

L'expertise

Devenue quasi-incontournable pour les compagnies d'assurance, en tout cas si on veut s'assurer tout risque, l'expertise est aussi et surtout l'occasion de faire un tour complet du bateau avec quelqu'un de très compétent, afin de détecter vices cachés  ou anomalies qui pourraient se révéler bien plus tard.
Elle comprend un démontage méthodique de tout ce qui peut être démonté, la vérification de toutes les vannes, connectiques, éléments de sécurité, une sortie en mer pour le déploiement de toutes les voiles, et une sortie de l'eau pour vérifier l'état de la coque et de l'hélice.
Notre expert était très sympa, et généreux en conseils. On a donc mieux  fait connaissance avec notre bateau. Et découvert des rangements dans les endroits les plus improbables (on ne les aurait pas tous trouvés tous seuls !).
Petit tour de l'Heimoana en photos...







Annexe, qui nous permet de rejoindre la plage quand on est au mouillage.

La survie, qu'on espère bien ne jamais utiliser...

Vue du bateau en mode "mouette" !

vendredi 22 septembre 2017

Le tout début

Ca y est, depuis plusieurs mois que ce projet nous trotte en tête, nous venons de signer l'achat d'un voilier ! Le projet ? Une longue coupure, de 8 mois, à bord d'un beau voilier qui nous baladera en Méditerranée, loin de notre routine, de notre surcharge de boulot, à la rencontre d'autres coutumes, paysages, populations hautes en couleur. Un temps privilégié en famille, pour profiter de nos enfants avant qu'ils ne soient trop grands, et être, enfin, pleinement disponibles pour eux.
C'est un 3 cabines, pour que nos 2 enfants aient chacun un espace privé. Il est chouette, et là, tout de suite, on trépigne d'impatience en attendant les clés !
Heimoana, c'est le nom de notre bateau. On aurait pu le changer, mais on s'est dit que non. c'est un beau nom, et il a déjà sa propre histoire (ça fait 25 ans qu'il parcourt les mers et océans...). Sa propre personnalité, aussi, selon le vendeur ("c'est un sacré bon bateau, il file tout seul !").
Les idées se bousculent, les questions aussi. "Il faut prendre ça, et ça, puis aussi ça. Mince, faut changer le GPS et la VHF, comment choisir ? Comment installer ? Purée, faut ingurgiter toute la règlementation en terme de navigation, bon courage !"
Les doutes s'immiscent un peu, pour l'instant essentiellement sur sa place dans le port, peu pratique et dangereuse pour les débutants que nous sommes. Nous devons manœuvrer tout près d'une longue enfilade de bateaux moteurs, toutes hélices hors eau, pointant méchamment vers la coque des bateaux qui se déporteraient un brin de leur axe en amarrant. D'ailleurs, de longues cicatrices sur la coque de l'Heimoana nous font imaginer qu'il a déjà dû les voir d'un peu trop près, ces fichues hélices...
Mais ce projet, immense, un peu fou et qui va chambouler nos p'tites habitudes, routines et idées reçues, tourne comme un fou dans nos têtes. On y pense le jour, on en rêve la nuit. On y est déjà, naviguant au gré des vents, avec pour seuls bruits le clapotis de l'eau et les rires de nos enfants.
Ce blog vous permettra, familles et amis, d'avoir de nos nouvelles au gré des connexions internet, quand les communications téléphoniques se feront rares. Pour être avertis des nouvelles publications, enregistrez votre adresse mail en haut à droite sur la page du blog.



Première sortie sur ce beau voilier, avec le vendeur. On a des étoiles plein les yeux...