lundi 28 septembre 2020

Rendre à César...

En avril 2018, en pleine préparation de notre grand projet de transat', nous avions ouvert une cagnotte et sollicité nos amis pour nous aider à financer l'équipement que nous ne pouvions acheter par nous-même, et vous aviez été nombreux à répondre généreusement à cet appel, ce qui nous avait grandement touché. 

Or, avec le cumul des soucis de santé de notre fils et les problèmes au boulot, le voyage fut d'abord dans nos têtes reporté de peut-être un an, avant d'être finalement simplement annulé. Les enfants n'ont pas le moindre intérêt pour le bateau, et en ont même peur, en tout cas en ce qui concerne Maëlyss, et les années passent, les amenant dans des classes qu'il devient plus difficile de gérer par correspondance. 

On partira probablement, un jour, quand ils auront quitté le nid. Aurons-nous pu garder Heimoana jusque-là ? Aucune idée pour l'instant.

Toujours est-il qu'avec Sylvain, le jour où nous avons eu l'idée de cette cagnotte, nous nous sommes dit : "si le projet tombe à l'eau, on rembourse les gens". Il nous aura fallu tout ce temps pour réunir laborieusement la totalité de la somme perçue, mais nous y voilà enfin ! 

Tous les donateurs vont être contactés par mail, messenger, courrier où pigeon voyageur afin d'obtenir les RIB. Toutefois, nous avons le terrible doute d'avoir pu oublier quelqu'un dans notre listing, même si nous avons fait un effort de rigueur particulier. Si donc vous ne receviez pas de nos nouvelles alors que vous avez participé, surtout, manifestez-vous ! Nous détesterions léser quelqu'un par inadvertance. 

Nous vous demandons  d'accepter d'être remboursé, c'est pour nous une question d'honneur : vous avez généreusement voulu soutenir un projet, mais ce projet n'a pu aboutir.

Pour ce qui est de nos navigations, depuis avril dernier Sylvain a pu partir une semaine avec un copain, et depuis nous ne faisons que de courtes sorties à la journée, de temps en temps, et quelques travaux d'entretien et de réparation. Une sortie formation Spi, aussi (merci Johann !) ; bref, pas de quoi alimenter un blog qui avait été ouvert pour raconter ce qui aurait pu être une magnifique expérience et un voyage hors des sentiers battus, à la rencontre de la Nature dans ce qu'elle a de plus brut, d'autres cultures et du nous-même que nous ne pouvons découvrir tant que nous ne sortons pas de notre zone de confort. 

Reste le plaisir, même court, de nos petites sorties, sur lesquelles vous serez toujours les bienvenus, amis du coin ou plus lointains ! Et le rêve, et l'espoir d'un jour le concrétiser...


vendredi 26 avril 2019

Quelques jours de vacances en amoureux (3/3)


(je me rends compte en passant par là que je n'ai jamais posté cette troisième partie de notre sortie... d'avril dernier ! La honte... L'article était prêt, n'attendant que les photos. Je le poste donc maintenant, bien que pour le coup il sente un peu la naphtaline).

Vers midi, le vent rafale encore, mais il est mollissant, nous décidons donc de quitter le bateau pour aller manger à Cadaqués. On se balade un moment, parcourant nombre de petites ruelles charmantes, avant de nous arrêter à la terrasse de L’Hostal. C’est un petit restaurant quasiment en front de mer, où il sera un peu difficile pour Sylvain de trouver un plat sans viande, ni poisson ni fruits de mer. Moi je me régale d’un loup, puis nous continuons nos déambulations.




On croisera, au détour d'une rue, 4 jeunes sangliers pas farouches pour un sou, qui cherchent leur nourriture à côté du parking, au coeur du village. Normal...

De retour sur Heimoana en fin d’après-midi, nous quittons la baie, et entamons notre retour, déjà ! Notre collègue a sans doute hâte de nous voir rentrer (il s’est tapé des journées difficiles), ainsi que nos enfants. Nous retournons sur le mouillage de Cala Culip, ce n’est pas bien loin mais c’est toujours ça de moins à faire le lendemain.

En soirée, je suis à nouveau malade. Certes pas le mal de mer des 2 premiers jours, mais j’ai attrapé froid, malgré toutes mes épaisseurs, et la fièvre me fait agoniser sur ma couchette. Je n’ai pas l’habitude de prendre de Doliprane, et attend simplement que cela passe.

En meilleure forme le lendemain, je prends la barre direction Collioure. On en a souvent entendu parler, et nous allons nous y arrêter brièvement, pour visiter. On navigue au moteur ; le vent, après avoir été un peu trop vif pendant plusieurs jours, est parti geler d’autres populations plus lointaines. Comme Port Lligat et Cadaqués, l’application sur laquelle nous cherchons nos mouillages indique que l’ancrage est interdit et qu’il faut s’amarrer sur bouée. Mais comme sur les villages précédents, il n’y a pas de bouées, et nous jetons notre ancre, comme deux autres voiliers. Puisqu’il faut bien qu’il y ait un avantage à naviguer en saison morte (et froide…), les communes ne sont pas casse-pieds avec les rares voiliers de passage. 

Après la blanche Cadaqués, nous découvrons donc avec beaucoup de plaisir la très colorée Collioure. On sent bien que le tourisme est majeur dans la vie du village, néanmoins il a une âme vibrante, et les habitants sont aussi hauts en couleur que leurs ruelles. On y mange, et nous promenons longuement. Le soleil est au rendez-vous, et j’ai enfin « pas froid ».




En fin de journée se pose la question de reprendre la mer, pour avancer de quelques miles, mais à partir de là tous les mouillages sont « bof » : trop exposés aux vents et à la houle, car la côte de Collioure à chez nous est parfaitement plate et lisse. Nulle crique rocheuse dans laquelle s’abriter, et un vent un peu plus fort dans la nuit nous font préférer rester en baie de Colllioure. Nous paressons donc tranquillement sur le pont pour profiter des derniers rayons de soleil, et savourons à l’avance la soirée tranquille qui s’annonce.


C’était sans compter sur le débordement de la caisse à eaux noires, juste avant de passer à table. La caisse à eaux noires, c’est le nom presque poétique de la cuve qui stocke le contenu du toilette. Pour ne pas laisser nos déjections n’importe où, nous les stockons, et vidons la cuve uniquement en pleine mer, où cela ne dérange personne (on se dit que les promeneurs de bord de plage doivent apprécier la démarche…). Bref, on a cru l’avoir vidée, mais la vanne s’était bouchée.
Je passerai rapidement sur des détails aussi inutiles que dégoutants, mais il nous faudra 2h30 pour réussir à repérer le problème, se retrouver littéralement « dans la m… », et nettoyer. Le problème venait d’un simple mouchoir en papier, car si j’avais bien pensé à embarquer beaucoup trop de nourriture, j’avais en revanche oublié de vérifier le stock de papier toilette, et il a bien fallu improviser jusqu’à un ravitaillement. Ô ami lecteur, songe 5 minutes à l’ineffable joie du tout-à-l’égoût domestique et savoure ta chance…

Côté romantisme, pour le reste de la soirée c’est bien mort. Sylvain se débarbouille longuement, puis on regarde un film histoire de penser à autre chose. 

Au petit matin on se réveille sous la pluie. Si la veille on s’était motivés à faire encore une étape avant de rentrer, là, on n’a plus qu’une envie, c’est de rentrer direct. On sait qu’on passera toute la journée à pétole : pas un pet de vent pour nous pousser. On prend notre cap direct, et droit devant nous on aperçoit de gros nuages et des averses. Mais toute une partie de la journée, le soleil voilé daignera nous réchauffer un peu.

Voyons le côté positif : si le moteur génère un bruit majeur et agaçant, on l’utilise parce que la mer et le vent sont très calmes. On va donc pouvoir vaquer à nos occupations, et même faire à manger et manger !


La côte s’éloigne lentement. A plusieurs reprises on distingue des bancs de poissons, sans bien savoir à quoi nous avons affaire, néophytes que nous sommes. Le premier banc montrait quelques ailerons fins et hauts, mais pas caractéristiques des dauphins. Des requins ? 
Ensuite, ce sont des colonies d’oiseaux qui chaque fois attirent notre attention sur un banc de poissons. Pas de dorsales pour ceux-là, ou alors une très petites. Gros gabarits : sans doute un bon mètre, mais cela n’effraie pas les oiseaux qui tentent de se poser sur leurs dos chaque fois qu’ils affleurent. Le spectacle est étonnant. 

Dans l’après-midi, le temps s’étire en longueur, comme suspendu. Maintenant qu’on est en route vers notre port, on a hâte d’arriver. D’autant qu’en 6 jours de navigation, nous n’avons jamais dormi dans un port, mais seulement au mouillage. Ça veut dire : pas de douche, parce qu’on a que 2 tanks d’eau douce, et qu’il faut l’économiser. L’hygiène s’est résumée à un débarbouillage, en même temps c’est pas comme si on avait sué de folie. En revanche, mes cheveux qui tiennent debout tout seuls me supplient de faire quelque chose, mais à part en faire des dreadlocks façon Jack Sparrow, je n’ai rien de bien transcendant à leur proposer. Je suis tentée d’aller me faire un shampoing, parce qu’allez, après tout, on arrive au port dans la nuit alors même si je fini l’eau c’est pas grave. Mais bon, je suis malade, et ai encore comaté dans le carré pendant un accès de fièvre, alors on va pas en rajouter (je n’ai pas de sèche-cheveux, évidemment).

Nous laissant bercer par un très léger mouvement marin, nous pouvons donc bouquiner. Je me régale des récits de grands navigateurs : Bernard Moitessier, Eric Tabarly, Florence Arthaud, François Gabard... Ils ont en commun une volonté hors du commun et la passion dévorante de la mer, même si chacun a un parcours propre dans une époque différente, sur des bateaux de conception de plus en plus technologique (Moitessier n'avait même pas une radio, alors que Gabard s'est fait tracté sur une planche par son multi-coque qu'il dirigeait avec sa montre-télécommande !). J'admire le chemin qu'ils ont parcouru, quelles que soient les difficultés rencontrées, et leur fascinante persévérance. Pourtant, je me sens plus proche de Capitaine Rémi (je vous laisse chercher "Capitaine Rémi Atlantique" sur le net...) que je ne le serai jamais d'eux.

On a réussi à enfin se mettre en t-shirt ! Une heure en une semaine de vacances… Le reste du temps, je portais au moins 2 pantalons et 3 pulls, dont 2 polaires, sous mon manteau spécial voile. Un pantalon et un pull la nuit, parce que ma couette était chaude, et qu’il faisait au moins 12 degrés dans le bateau (ce luxe…). M’enfin, on a bien profité quand même !

En fin de journée on parvient à remettre un peu les voiles, et on apprécie le silence après 9h de moteur. Mais quand la nuit tombe, je me réfugie dans la cabine en disant à Sylvain qu'il peut m'appeler si besoin (sous-entendu : débrouille-toi tant que tu peux, j'ai trop froid pour avoir envie de barrer !). Il gère donc seul la navigation de nuit, et nous arrivons à Port Camargue  à 1h30 du matin.






Fatigués mais désespérément craspouilles, nous branchons le bateau à quai pour lancer le chauffage, et filons prendre une douche ! J'aurais donné un rein pour une douche brûlante, et manque de bol elle est juste tiède. Je me rabats sur le sèche-cheveux, que je laisse fonctionner encore longtemps après que mes cheveux soient secs.

Une bonne nuit de repos au quai dans un bateau chauffé fait tout notre bonheur, pour nous partons retrouver nos zouzous, et le collègue qui doit s'impatienter de notre retour au moins autant qu'eux...

 (Oh, encore un coucher de soleil... J'ai l'air d'une nana obsessionnelle, mais voir le ciel se coucher sur la mer est d'une beauté sans nom, toujours différent, et mes photos ne reflètent hélas pas l'incroyable magie de ces instants).

jeudi 11 avril 2019

Quelques jours de vacances en amoureux (2/3)


Après une courte nuit, on se lève, bien fatigués mais moins malades. Il fait 13 degrés dans le bateau, car notre chauffage ne fonctionne que quand on est branchés au 220 dans un port. On allume le four et la gazinière, pour gagner 2 petits degrés. La baie est très calme, même si le vent souffle sur la zone, aussi nous descendons à terre visiter le Cap Creus et son parc national magnifique. 







La balade est appréciée, et un peu de farniente aussi. Le mouillage est top, le bateau ne bouge pas, du coup on se décide à passer la nuit suivante sur le même spot, pour dormir correctement et bien récupérer. On sait que le vent se lèvera à nouveau fort dans la nuit, mais entourés de hautes parois rocheuses, nous nous sentons bien à l’abri.

C’était sans compter sur une zone où la paroi était plus basse, et un vent venant justement de l’Est qui s’y engouffrerait… Je suis réveillée à plusieurs reprises dans la nuit par le vent qui fait gémir et taper différentes parties du bateau. Sylvain n’est plus dans le lit, j’en déduit qu’il est sur le pont à surveiller, et que s’il y a un problème il m’appellera (non, je ne suis clairement pas solidaire au milieu des nuits trop fraiches…). A 2h, justement, il m’appelle : le bateau tend à reculer sur la paroi rocheuse derrière, et sur les roches volcaniques bien pointues qui affleurent à la surface de la mer. Nous voilà tous les deux sur le pont, dans une nuit d’encre, à surveiller le déplacement du bateau. On hésite sur la conduite à tenir : déplacer l’ancre alors qu’on ne voit absolument rien ? On estime que l’ancre n’a pas bougé, mais que simplement la chaine se tend plus sous la pression. Comme nous mouillons par 14m de fond, notre rayon est large. On finit par rallumer le moteur, pour ravaler un peu de chaine afin de garder une distance de sécurité d’avec les rochers, mais sans remonter l’ancre. Le résultat n’est pas flagrant, mais le bateau semble stable malgré les rafales à 25 nœuds qui nous balaient.

Fatigué, Sylvain va se coucher, et je reste sur le pont en surveillance. Un œil sur la masse rocheuse que je distingue à peine, l’autre sur l’anémomètre pour guetter la fin du coup de vent. L’ancre assure, et le vent faiblit. A 4h30 je peux retourner me coucher finir ma « bonne nuit de repos ».

Nous prenons le temps d’une grasse matinée avant de lever l’ancre, direction un autre mouillage proche de Cadaqués. J’ai visité ce village en mars, et, tombée sous son charme, je voulais vraiment y amener Sylvain. Il n’y a que 4 miles nautiques à parcourir, mais avec un vent de face force 5 et un courant qui commence à se faire sentir, il nous faut presque 2 heures pour atteindre le mouillage choisi. Il est un peu loin de Cadaqués, alors on poursuit notre route jusqu’à la baie de Port Lligat. Deux voiliers sont sur place, l’un sur bouée, l’autre sur ancre. On se place entre les 2, et jetons l’ancre par 14m de fond. Le vent s’est calmé, le bateau sur ancre quitte la baie. Mais voilà qu’Eole se lève de mauvaise humeur, et un vent du nord (prévu pour le lendemain matin !) s’installe, nous mettant en situation inconfortable. A nouveau, notre rayon autour de l’ancre est trop large, nous sommes poussés sur le bateau amarré sur bouée (son rayon a lui est très minime), et sur quelques roches volcaniques affleurant là aussi. Je les trouve très belles, ces roches, mais tellement dangereuses pour la coque d’Heimoana que si j’avais un bâton de dynamite en poche je n’hésiterais pas longtemps avant de l’utiliser… 

Ni une ni deux, on lève l’ancre pour rejoindre le premier mouillage choisi, plus loin, mais qui nous mettrait à l’abri du vent du nord. On fait longuement le tour de cette grande baie, pour choisir le meilleur endroit. On jette l’ancre, avant de se rendre compte que l’endroit ne nous convient pas. Sylvain la relève pour la 3e fois de la journée, se taillant des biscottos de body builder, et songeant probablement qu’il devient urgent d’acheter un guindeau électrique pour gérer cette fichue ancre.

On se chamaille un peu, puis on décide de revenir mouiller devant Port Lligat, là où l’autre voilier était. La zone est bonne : on mouille par 4m de fond (ô joie pour celui qui devra remonter la chaine !), et cette faible profondeur assure un rayon plus petit de « tournage autour de l’ancre ». Soit plus de sécurité même si un vent fort tend la chaine. 

Le ciel est chargé, et je resterais volontiers affalée sur ma couchette avec un bouquin, mais Sylvain me presse pour sortir.  Nous voilà donc en route avec l’annexe vers le village, quand le moteur s’arrête. Panne d’essence, alors que Sylvain a fait le plein la veille. On ne s’explique pas où est passé l’essence, mais il faut retourner au bateau à la rame pour remettre du carburant. Depuis que Sylvain me répète qu’il faut TOUJOURS avoir les rames à bord de l’annexe, j’admets que la démonstration de leur utilité est marquante, car j’aurais été bien embêtée de devoir nager 300 ou 400m dans cette mer bien trop froide.

Bref, on débarque enfin à Port Lligat, et poussons la balade jusqu’à Cadaqués. Le ciel s’est dégagé, et nous profitons d’un chaud soleil pour prendre un Cappucino en terrasse. Je me régale !

La baie de Port Llorgat, dans laquelle nous mouillons.
  

 Cadaqués au coucher du soleil.
De retour au bateau, il fait déjà presque nuit, mais on a choisi de rester là jusqu’au lendemain. Je trouve la nuit bien calme, Sylvain, lui, m’assure être sorti pour surveiller, car ça rafalait un peu. Au réveil, il ne fait que 11 degrés dans le bateau, je laisse donc très égoïstement Sylvain se lever le premier pour allumer la gazinière. On l’éteint quand il fait 15 degrés, et je m’étonne d’y survivre (si dans ma maison il faisait 15, je brûlerais mes chaises et portes de placard pour gagner quelques degrés…).

Nous voulons retourner à Cadaqués, se faire un p’tit restau en terrasse. Mais décidément, le vent nous persécute, et le matin il rafale jusqu’à 30. Il doit se calmer en mi-journée, alors on reste à bord jusqu’à ce qu’il daigne nous ficher la paix.